DISCRIMINATION RACIALE
BLACK and WHITE
La discrimination raciale dans un ordre des Avocats une réalité ou un poussin étouffé dans l’oeuf ?
Poursuivi disciplinairement du chef de manquement aux principes de délicatesse et de courtoisie, un Avocat a été « relaxé » par le Conseil de discipline de la Cour d’appel de LYON par décision du 28 février 2013.
Un Avocat dit « noir », menacé de sanction d’omission, était défendu par un autre Avocat dit également « noir », qui avait écrit, en qualité de défenseur, au Batonnier de son ordre en ces termes :
«Toutefois j’aimerais attirer votre attention sur le précédent jurisprudentiel de notre Cour adhérant à la position de la Cour de cassation sur ce point précis, en relevant que la persistance de votre Conseil dans cette voie d’errements confirme le sentiment du harcèlement mis en œuvre à l’encontre de mon Confrère et compatriote, probablement pour des raisons que nous qualifions de discrimination raciale dont moi-même j’ai été victime et témoin de longue date ».
Estimant que « ces propos sont de nature à violer les dispositions de l’article 1.3 du RIN (Règlement Interne National de la profession des Avocats), de l’article 3 du Décret du 12 juin 2005 et de l’article 183 du Décret du 27 novembre 1991 en ce qu’ils manquent aux principes de délicatesse et de courtoisie », le 03 juillet 2012, un Bâtonnier avait saisi le Conseil de Discipline du ressort de la Cour d’appel de LYON d’une poursuite disciplinaire à l’encontre de Maître X, Avocat du Barreau de LYON.
Dans sa décision ci-dessus, le Conseil de discipline a rejeté la requête du Bâtonnier au motif que :
« Les propos litigieux ont été tenus (…) dans le cadre de la représentation et la défense d’un de ses Confrères devant les institutions ordinales ; que, notamment aucun membre dudit conseil de l’ordre n’a été nommément visé comme coupable du ressentiment exprimé par Me B ; que seule l’institution était visée en tant qu’organe déshumanisé (…)
Le seul fait de dénoncer à l’institution ordinale, d’une manière qui peut être considérée comme sincère, un ressenti de discrimination qui n’a d’autre but que de lui révéler la perception que s’en fait son auteur, sans qu’aucune mauvaise [foi, je suppose] de sa part ne soit pas établie, ni même alléguée, ne saurait justifier le prononcer (sic) d’une sanction disciplinaire et ce, sans qu’il soit besoin de statuer ou de s’appesantir sur le bien fondé ou non de la dénonciation ainsi opérée ».
La décision du Conseil de discipline mérite d’être soutenue, pour sa conformité aux règles édictées par le Règlement Interieur Nationale des professions d’Avocats.
L’article 1.3 du RIN, (qui est la reprise de l’article 3 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005) dispose en effet :
« Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l’avocat en toutes circonstances.
L’avocat exerce ses fonctions avec dignitié, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.
Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.
Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence ».
Aux termes de l’article 1.4 de ce Règlement, « la méconnaissance d’un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue en application de l’article 183 du décret du 27 novembre 1991 une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire ».
C’est donc logiquement que les accusations du Bâtonnier, exprimées en des termes non précis, ont été écartées par le Conseil de discipline, au regard des règle déontologiques.
Pour autant, on peut s’interroger, sur les motifs réels qui ont conduit le Conseil de discipline, et en particulier l’Ordre des Avocats du Barreau de LYON, à ne pas se pencher sur ce « ressenti » discrimination raciale, dénoncée par cet Avocat poursuivi, à l’institution ordinale.
Le Conseil de de discipline a en effet interpréter les propos de cet avocat, comme étant « une dénonciation » à son institution, « de manière sincère son ressenti de discrimination ».
En mettant en évidence, la sincérité de cet Avocat, le Conseil de discipline, semble ne pas douter la réalité de la discrimination sûrement raciale vécue, par lui.
Paradoxalement, le Conseil de discipline a fait le choix de ne pas statuer et de ne pas « s’appesantir sur le bien fondé ou non de la dénonciation opérée »
Que le Conseil de discipline n’éprouve aucun besoin de « statuer ou de s’appesantir sur le bien fondé ou non de la dénonciation ainsi opérée », nous laisse dubitatif.
Il nous semble qu’il aurait été judicieux qu’il s’estimasse plutôt incompétent.
Moins compréhensible est la position de l’institution ordinale du Barreau de LYON qui, en guise de réponse «la dénonciation de la discrimination» au sein de son ordre, a choisi la voie de la poursuite disciplinaire.
Pourtant, bien que personne morale de droit privé, la législation reconnaît à l’Ordre des Avocats les prérogatives de service d’intérêt public.
L’institution ordinale se trouve ainsi chargée de la mission d’ordre public, de garantir, conformément à l’article 1de la constitution de 1958, un même traitement à tous ses membres auxquels elle doit assurer la protection contre les discriminations de toute nature, notamment du fait de leur appartenance morphologique.
Que l’instititution ordinale ne donne pas une réponse adéquate, circonstanciée à cette dénonciation, fut-ce que du « ressenti », équivaut à ne pas répondre de sa mission de service public.
Que l’institution ordinale, choississe la solution de la répression, équivaut à étouffer le poussin dans l’œuf et à favoriser le silence qui tue la parole.
Pourtant, cette question ainsi que d’autres faits portés à sa connaissance, appelaient à tout le moins, à un brin de vigilance :
- Tel le cas d’un Avocat se plaignant des propos racistes dont la requête a, illico, été écartée au motif que l’Avocat en question est réputé être défenseur des étrangers ;
- Tel également le cas d’un Avocat, dont la requête en arbitrage sur le partage des UV au titre de l’aide juridictionnelle, a été illico, écartée au motif que son examen impacterait le budget de l’ordre et à qui on imposa de fait, la proposition de l’autre Avocat ;
- Tel est le cas de la requête d’un Avocat se plaignant d’avoir été présenté, à son insu, comme candidat concourant à un marché public par un autre avocat, qui n’a jamais reçu de réponse, plus d’un an après sa requête ;
- Où enfin, le cas de tel Avocat en conflit avec un sous-locataire, qui n’a jamais reçu non plus de réponse à sa requête.
Dans tous ces cas, les plaignants sont « noirs » et les autres « blancs ».
Ce cumul des faits ressemble plus à une réelle question sociétale ordinale qu’à un simple ressenti, de laquelle, du silence imposé ou adopté, né un ressentiment que selon que vous « serez blanc ou noir, le jugement de la Cour vous rendra puissant ou misérable ? ».